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Classica : entretien avec Antonio Pappano

Mes deux grands Amours

 Enflamme-t-il Verdi à Londres ? C’est pour mieux  embrasser Beethoven à Rome. Le chef partage sa vie entre les deux pays qui ont forgé sa culture. Le voici à Paris..

Vous associez, dans le programme de votre concert au Festival de Saint-Denis, deux pages peu connues de Rossini : la cantate Giovanna d’Arco et l’ouverture du Siège…
Qu’est-ce qui les réunit ?

C’est la France. Inutile d’expliquer pour Giovanna d’Arco, cantate à l’origine pour voix et piano, que nous interpréterons dans ce que Salvatore Sciarrino présente comme une « elaborazione per orchestra », avec bois et cuivres par deux : c’est le travail très respectueux d’un compositeur qui sait parfaitement ce qu’il fait. Elle sera chantée par la merveilleuse Joyce DiDonato. Quant au Siège de Corinthe, il est le premier opéra français de Rossini : son
ouverture, à l’orchestration assez particulière, n’est quasiment jamais entendue en concert. C’est un grand truc !

Et quel est le rapport avec la Sérénade n° 1 de Brahms ?»

Elle se situe à la marge de son œuvre orchestrale car conçue pour un effectif plus léger que ses
symphonies et concertos. Elle partage ainsi des traits communs avec la musique de Rossini qui,
dans sa jeunesse, était surnommé Il tedeschino, le petit Allemand. J’adore cette Sérénade, de facture
classique, musique pure, presque de plein air.

Vous donnez ce concert à Saint-Denis avec l’Orchestre de l’Académie nationale Sainte-Cécile, à Rome, dont vous êtes le directeur musical depuis 2005.
Que représente ce travail ? Quels sont vos objectifs ?

Il faut bien sûr assurer une saison de concerts à laquelle prend part également le chœur. Le grand
répertoire y tient une place essentielle : Beethoven, Brahms, Strauss, Mahler. Mais mon but est aussi
de l’élargir en proposant des œuvres nouvelles ou oubliées. Les tournées prennent une place de plus
en plus importante dans l’emploi du temps : il y en a trois ou quatre par saison. Avant de venir à
Saint-Denis, nous aurons entrepris un circuit européen avec, notamment, la Symphonie n° 6 de
Mahler, Shéhérazade de Rimski-Korsakov et le Concerto pour violon n°1 de Bartók avec Lisa Batiashvili. S’y ajoute bien sûr une politique soutenue d’enregistrements, de musique symphonique, comme des concertos pour piano de Prokofiev et Tchaïkovski avec Beatrice Rana, de Schumann avec Jan Lisiecki, pour violon de Brahms et de Bartók avec Janine Jansen, et d’opéras comme un récent Aïda. C’est très important pour l’orchestre, pour le travail en profondeur avec les chanteurs. Bien que l’Académie nationale Sainte-Cécile soit une formation symphonique, l’ADN d’un orchestre italien reste l’opéra, il ne faut jamais l’oublier. Mais bien évidemment, le travail quotidien, les aspects techniques, le son, l’intonation constituent la base de notre collaboration.

Vous avez contribué, l’an passé, à la célébration du centenaire Bernstein en enregistrant ses trois symphonies. L’orchestre le connaissait bien…

Oui, il en était le président d’honneur de 1983 jusqu’à sa mort, en 1990, et il venait chaque année
diriger, notamment sa musique. Il a laissé un très fort souvenir. Cet enregistrement permet de le
rappeler. Il existe peu de musique symphonique italienne, alors je veux que cet orchestre soit
comme un caméléon capable de s’adapter à un répertoire le plus varié possible, de Bach à Rachmaninov et à la musique d’aujourd’hui.

La musique orchestrale italienne n’est quand même pas inexistante : on pourrait citer Casella, Martucci, Petrassi…

Des chefs invités ont programmé ces compositeurs et, pour ma part, j’ai beaucoup dirigé Respighi. Mais je dois aussi soutenir la musique d’aujourd’hui. Elle peut prendre différentes directions. Certains compositeurs se situent dans le sillage de Berio ou Boulez, tels Ivan Fedele, Matteo D’Amico, Luca Francesconi. D’autres, comme Giovanni Sollima, s’inscrivent dans un courant qu’on pourrait qualifier de new age, minimaliste.

Avez-vous une préférence ?

Je dirige tout car j’estime important que le public romain connaisse ce qui existe aujourd’hui. Il n’est
pas obligé d’aimer, mais au moins il sait… pour lire la suite CLASSICA N°213 (Juin 2019) 

 

Classica c’est aussi l’actualité des concerts et des sorties de disques, la Petite Musique d’Eric-Emmanuel Schmitt, le billet d’humeur d’Alain Duault, la chronique d’Emmanuelle Giuliani…

 

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