img
-

CLASSICA : Richard Brunel – L’AVENTURE DE L’OPÉRA

 CLASSICA N°234 (Juillet-Août 2021)…

L’AVENTURE DE L’OPÉRA

L’ACTUEL DIRECTEUR DE LA COMÉDIE DE VALENCE S’INSTALLE À LYON DÈS SEPTEMBRE POUR SUCCÉDER À SERGE DORNY.
IL NOUS DÉVOILE SES AMBITIONS POUR LA MAISON LYRIQUE.

Comment envisagez-vous votre prise de fonction dans ce contexte bien particulier ?
Nous avons lancé il y a dix jours la nouvelle saison, le public a réagi très rapidement : la demande est supérieure à celle des années précédentes à la même époque, c’est très encourageant. Un certain nombre d’enjeux et de difficultés se dressent par ailleurs. L’atmosphère difficile des suites de l’occupation de l’Opéra manifeste une fracture évidente dans la société, et je crains que l’apaisement ne soit que temporaire. Cet aspect m’inquiète.
Les deux années de préfiguration m’ont permis de constituer toute une équipe autour de moi, aux côtés de Serge Dorny. Nous avons accueilli un nouveau directeur du lyrique, Jochen Breiholz, qui vient du Theater an der Wien, ainsi qu’une nouvelle directrice générale de l’orchestre : Véronique Barros. Nous poursuivons le travail avec Daniele Rustioni jusqu’à fin 2025, et Richard Robert, qui dirige la section Opera Underground. Cette nouvelle équipe de direction est très réjouissante.

Vous dirigerez un opéra pour la première fois, après avoir été à la tête de plusieurs théâtres. Comment appréhendez- vous cette étape ?
La temporalité n’est pas du tout la même au théâtre et à l’opéra, qui compte également beaucoup plus de métiers. Ce sont les différences essentielles, car les dimensions humaine et artistique sont rigoureusement les mêmes. J’ai mis en scène beaucoup d’opéras dans de belles maisons, à Lyon, Aix, l’Opéra Comique de Paris, la Monnaie de Bruxelles… J’ai débuté ici à Lyon pour mon premier opéra ; je n’aurais jamais été candidat dans une autre institution lyrique. C’est l’esprit d’innovation, d’insolence, d’audace propre à ce lieu qui m’intéressait et qui me correspond.

Comment avez – vous construit la saison à venir ?
Je souhaite affirmer la vocation de cette maison autour de la création, de l’innovation, et bien sûr du répertoire. Quatre productions lyriques ont été reportées la saison prochaine ; je pense à Irrelohe de Schreker ou Rigoletto qui avait été répété, les décors construits, et dont l’annulation a été décidée le jour de la générale. De même pour Shirine, la commande passée à Thierry Escaich, que je devais mettre en scène. Nous proposerons également une reprise du Messie de Haendel avec Deborah Warner et Stefano Montanari, un habitué de la maison. Cette continuité s’accompagne de nouvelles productions, notamment celle de Falstaff, coproduit avec Aix, mis en scène par Barrie Kosky.

L’Opéra de Lyon a-t-il trouvé son équilibre entre le répertoire, la création et les pièces rares, conformément au souhait de Serge Dorny ?
Oui ! Et je veux continuer d’entretenir cet équilibre triangulaire en proposant des oeuvres passionnantes et peu présentées en France. Je pense à des Zemlinsky, Schreker, ou encore Meyerbeer, si peu entendu à Lyon. D’autres oeuvres du grand répertoire n’y ont pas été présentées depuis très longtemps : Tannhäuser est absent depuis 1970, la dernière de Madame Butterfly remonte à 1981 ! Nous pouvons par ailleurs nous appuyer sur un répertoire d’une quarantaine de productions. Du côté de la création, Philippe Boesmans a manifesté le souhait de travailler avec moi à son nouvel opéra sur On purge bébé de Feydeau, pour 2022/2023 ; on y retrouvera Stéphane Degout, Jodie Devos et Julien Behr.

J’ai passé commande également à une jeune compositrice, Diana Soh, d’une petite oeuvre d’une heure que nous présenterons sous la forme d’un opéra itinérant dans la métropole autour de trois musiciens et un chanteur. Le livret de Yann Verburgh mettra en avant des problématiques d’aujourd’hui pour susciter le débat.

Mettrez-vous régulièrement en scène ?
J’assurerai un spectacle par an. Mais je vous épargnerai un festival de mes productions !

À propos de festival, souhaitez-vous maintenir celui mis en place par Serge Dorny ?
Absolument ! Le public manifeste un intérêt croissant pour ce moment de la saison ; Serge Dorny a très bien positionné l’événement au mois de mars. Au sein de la ville de Lyon et de la métropole, le festival peut permettre de nouer des partenariats avec d’autres institutions culturelles, la philosophie, la musicologie, la sociologie… en dirigeant un certain nombre de projets vers ce rendez-vous annuel.

La récente baisse de subventions de 500 000 € décidée par la Ville a suscité des réactions vives de la part de Serge Dorny et de vous-même.
Nous avons été très surpris qu’elle soit annoncée en cours d’année. C’était complètement contradictoire avec l’environnement de confiance qui nous lie aux élus. Nous les avons rencontrés et avons engagé un dialogue. Nous devons nous revoir bientôt pour déterminer quelles seront les répercussions effectives dans les saisons à venir. Cette diminution aura certainement un impact sur le programme d’ouverture et de création.

S’il faut couper, où le ferez vous ?
Il ne faut couper nulle part mais trouver des solutions extrabudgétaires, développer les coproductions, s’accompagner de partenaires, relancer le mécénat, même si la pandémie y a mis un frein… tisser des liens pour les années à venir et enrichir les relations.

Allez-vous changer quelque chose au Studio ?
Après dix années remarquables à sa tête, Jean-Paul Fouchécourt quittera la direction artistique du Studio l’année prochaine, au terme des productions d’Hänsel et Gretel et de Manon. Je lancerai une nouvelle formule avec Jochen Breiholz, qui a tant fait progresser son académie pour jeunes chanteurs à Vienne. On peut imaginer de développer une troupe de jeunes chanteurs plus à demeure que par le passé et installer un système de résidence à Lyon sur deux ans, rythmée par des masterclasses avec des chefs et metteurs en scène… C’est la démarche que nous adoptons avec la production Nuit funèbre de Katie Mitchell. Raphaël Pichon transmettra ce spectacle autour de Bach à un jeune chef, de jeunes musiciens et jeunes chanteurs. Nous travaillerons dans cette dynamique à l’égard de la jeune génération. C’est certainement elle qui a été le plus impactéepar la crise.

Propos recueillis par Aude Giger et Jérémie Rousseau


Classica c’est aussi l’actualité des concerts et des sorties de disques, la Petite Musique d’Eric-Emmanuel Schmitt, le billet d’humeur d’Alain Duault, la chronique d’Emmanuelle Giuliani…

Classica est en vente chez votre marchand de journaux (7,90€).

Ici le lien à la boutique Classica !