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Rameau Skip Sempé

L’APOTHEOSE DE RAMEAU

Les années de célébration sont l’occasion d’une foule de concerts où se succèdent les redécouvertes, pour le meilleur, souvent, et pour l’exceptionnel parfois. Jean- Philippe Rameau est mort à Paris, le 12 septembre 1764, il y a 250 ans.

2014 est bien l’année Rameau. Même si le risque de l’exercice est de laisser quelque peu dans l’ombre d’autres compositeurs d’importance mais peut-être moins populaires (comme Gluck, né en 1714), il permet aussi de remettre en lumière, à juste titre, des œuvres moins connues.

Dans le cadre du festival Terpsichore qu’il a créé, le claveciniste et chef d’orchestre américain Skip Sempé donnait ce 18 septembre 2014, la version retravaillée de la Messe des Morts de Jean Gilles, dans son lieu de création, en septembre 1764. A l’Oratoire du Louvre, résonnait, à quelques siècles de distance, la musique jouée pour le service funèbre de Jean-Philippe Rameau. Même si l’œuvre n’est pas tout à fait inconnue des mélomanes (elle a fait l’objet de plusieurs enregistrements discographiques), ce Requiem était le plus célèbre de l’ancien régime et a été interprété tout au long du XVIIIe siècle pour de nombreux services funèbres dont celui de Louis XV. Skip Sempé, lors de ses recherches musicologiques, a découvert que des extraits de Castor et Pollux de Rameau avaient été ajoutés au programme de 1764. Il a eu l’excellente idée d’inclure d’autres extraits musicaux de Dardanus et de Zoroastre, offrant ainsi une évocation poignante du grand compositeur (l’air « tristes apprêts » joué au hautbois). D’ailleurs, le silence qui a suivi le premier hommage, s’est accompagné du grondement sourd du métro parisien. L’effet, involontaire, a pourtant été tout à fait saisissant.

A la tête de son orchestre Capriccio Stravagante Les 24 violons et de l’exemplaire Collegium Vocale Gent, Skip Sempé a parfaitement servi la musique de Gilles et de Rameau, se jouant merveilleusement de la large réverbération de l’Oratoire du Louvre. Quatre voix de solistes accompagnaient les parties chorales. La partie basse assurée par le beau timbre de Lisandro Abadie manquait légèrement d’expressivité même s’il faut reconnaître qu’un Requiem n’est pas forcément le lieu d’épanchements. Fernando Guimarães, taille et Robert Getchell, haute-contre ont parfaitement chanté mais l’on retiendra l’Elévation comme le moment le plus beau. Il faut dire que la partie réservée par le compositeur à la voix de dessus s’apparente plus à un aria. Judith van Wanroij y a fait sensation.

Ce bel hommage à Jean-Philippe Rameau a ouvert une petite fenêtre sur l’histoire de la musique classique, la rendant plus que jamais vivante. On ne se lassera pas de redécouvrir cette Messe des Morts de Jean Gilles car Skip Sempé a eu la bonne idée d’en offrir un témoignage au disque…

Hugues Rameau Music & Opera – 21 septembre 2014